Au clair de la lun-euh, mon ami Christo... [Christer]

L'islandais avait été le premier à aller se coucher ce soir là. La fatigue s'était engouffrée dans ses membres, ses yeux lourds peinaient à suivre les divers mouvements alentours. Le stress était retombé pour le moment, et il ne pouvait que profiter de cette opportunité. Son lit n'était pas très compliqué à trouver dans la tente des Taurus, un peu à l'écart, dans un coin. Il s'y était effondré et le sommeil l'avait emporté vers de plus lumineuses contrées.
Il ouvrit les yeux dans l'obscurité. Bruissement de tissu à l'entrée de la tente, pas lents dans l'herbe humide, Ingi poussa un grognement et plaqua sa tête contre son oreiller. Font chier, aussi. C'est clairement pas l'heure, quoi ! Sérieusement, ils allaient tous commencer la formation le lendemain et ils savaient tous que ce serait pas une promenade de santé. Et voilà qu'il y en avait qui se baladaient au milieu de la nuit, détendus du slip. A moins que... A moins que ce soit pour faire quelque chose de suspect, pour une activité louche. Irae n'avait pas pu être totalement infaillible dans leur recrutement, si ? Et s'il se tramait déjà des trucs ? Et si...
Un nouveau grognement étouffé s'échappa de son lit. Le jeune homme bascula sur le côté, enfila un manteau épais, ses chaussures, et se saisit de sa baguette. Hors de question qu'il laisse ça passer, il voulait savoir ce qu'il se passe. Quelques secondes après, il franchissait lui aussi l'entrée de la tente. Un arrêt. L'air était frais, très frais déjà. Le ciel, dépourvu de nuages, luisait au dessus de lui, et le spectacle était des moins appréciables. Pas aussi beau qu'en Islande, pas aussi beau qu'avec des aurores boréales, mais c'était chouette. Il se frotta les yeux dans sa manche pour tenter de se réveiller et agita finalement sa baguette. Le maigre faisceau de lumière lui suffirait à suivre les traces. Qui n'étaient pas dissimulées. Rassurant. A moins qu'on souhaite être suivi. Moins rassurant.
Finalement, au bout de quelques minutes de marche laborieuse, car humide, le sorcier arriva à la lisière de la forêt. Il était là, le coupable, planté devant un arbre. Les détails de son visage n'étaient pas bien visibles, et il ne voulait pas risquer de l'éblouir. Il était probablement pas con cependant, et l'avait forcément remarqué, mais il ne se retourna pas. Ingi s'arrêta à une distance raisonnable, sa baguette toujours en main. « Un cauchemar ? Ça arrive des fois... Tu m'as fait peur, quand même. » Un pas en avant, la voix tremble un peu. « Tu vas bien ? »

Christer se retourna sur son lit, une fois, puis une seconde. Un grognement lui échappa. Il n'allait certainement pas s'endormir comme cela. D'un mouvement fluide, il attrapa son long manteau de fausse fourrure noire râpée, et l'enfila sur son torse nu. Quelle idée de le mettre dans une tente. Avec des gens.

Pieds nus, il sortit de sa "chambre", et s'échappa hors de ces dortoirs communautaires. Il avait une terrible envie de voir la forêt. Par précaution, il enfila une pair de mitaine. On ne savait jamais quand du métal pouvait accidentellement toucher sa peau.

Il arriva à la lisière de la forêt, et s'arrêta un bref instant. Il alluma une cigarette avec des allumettes au  nom d'un bar quelconque. Puis il passa entre deux feuillus, se sentant à l'abri à l'ombre de leurs branches.

Un léger bruit le tira hors de ses réflexions. Un craquement : un botruc ? Il s'approcha. Il voulait rassurer la créature qui protégeait son arbre quand...

" Un cauchemar ? Ça arrive des fois... Tu m'as fait peur, quand même.... Tu vas bien ? "

Christer se retourna, dévoilant son profil, cigarette aux lèvres.

C'était l'islandais.
Il resta silencieux quelques temps, avant de rétorquer d'une voix un peu dure :

" Je ne fais pas de cauchemars. Et je ne dors pas dans leurs tentes. "

Il se retourna, analysant du regard la silhouette androgyne, la voix moins agressive.

" Je pensais disposer un hamac. Dans la forêt. "

Il lui faisait face, le suédois, ce mec un peu étrange, visiblement taillé pour la solitude. La réponse fuse, sèche, Ingi scille mais ne plie pas. "Je ne fais pas de cauchemars. Et je ne dors pas dans leurs tentes." Ah ? Dans sa tente, il veut dire ? Ingi se retient de le dire à voix haute. Il hoche la tête en silence et observe celui qui continuait d'agir de manière un peu louche. C'était absurde de refuser de dormir à l'abri, même pour un natif. Il n'était pas immunisé contre le froid et la fatigue à priori, et la fierté était quelque chose à mettre de côté quand le monde partait en couilles. Se retrousser les manches, remuer la merde, renoncer au confort... C'était normal quoi.
"Je pensais disposer un hamac. Dans la forêt." Un sourire se dessine sur son visage. Il fait sombre, heureusement. Absurde, non ? Il savait que personnellement, il ne pourrait pas passer un hiver en extérieur, dans une région plus chaude que ses terres natales, et Ingi n'était pas des plus douillets. Mais soit, c'était un souhait comme un autre, avec quelques bons sorts ça restait... envisageable ? "Visiblement ils ont oublié ton hamac. J'suis pas sûr qu'on soit capables de t'en faire un convenable cette nuit." On ? Ouais, tant qu'à faire. Il était étrange ce mec, mais Ingi aussi. "Il y a surement moyen de bidouiller quelque chose avec de l'écorce et un peu de magie, mais ça devrait pas être top." Il se gratte la tête avec sa baguette, pensif. "Moi c'est Ingi, de l'Islande. Je te fais si peur que ça que tu veuilles pas dormir dans la tente, ou... Ou tu ne veux pas dormir avec qui que ce soit ? Tu sais qu'ils nous on aussi mis dans des dortoirs pour faciliter les échanges et la cohésion, et former une jeunesse internationale la plus neutre possible hein ? C'est un des buts très connus de Falun. Comment tu veux faire si tu ne veux pas cohabiter avec moi ? Euh... Avec nous ?"